Dépistage du cancer de prostate par dosage du PSA : La fin d’une polémique

8
Nov

DEPISTAGE DU CANCER DE PROSTATE PAR DOSAGE DU PSA: LA FIN D’UNE POLEMIQUE

Dr Olivier DUMONCEAU

Le PSA :

Le PSA (Prostate Specific Antigen) est une protéine sécrétée exclusivement par la prostate. Il est excrété dans le sperme, mais est retrouvé également dans le sang.

Le fait qu’il soit spécifique de la prostate, ne signifie pas pour autant qu’il soit spécifique du cancer de la prostate: lorsqu’il est compris en 4 et 10 ng/ml, le risque de cancer de prostate est de 25 à 35% (ce que l’on appelle Valeur Prédictive Positive). Ce risque devient supérieur à 50% lorsque le PSA devient supérieur à 10 ng/ml.

En 1987, Stamey publie  dans le New England Journal Of Medecine les bases de l’utilisation du PSA en tant que marqueur tumoral du cancer de prostate, permettant son utilisation en pratique courante notamment dans le cadre du dépistage de ce cancer, mais aussi pour le suivi du traitement.

Sa bonne utilisation, en association au moins avec l’examen clinique, permet une détection précoce du cancer de la prostate: un cancer de prostate détecté avec des taux de PSA compris entre 4 et 10 ng/ml sera localisé, c’est a dire sans atteinte extra-prostatique (absence d’envahissement des structures adjacentes, absence de métastases) dans 70% des cas.

La polémique:

En 2009, deux études contradictoires publiées dans le New England Journal Of Medecine viennent bouleverser ce dépistage.

L’étude PLCO (Prostate, Lung, Colorectal and Ovarien Cancer Screening), américaine, portant sur 76693 hommes, compare la survie à 11 ans 1/2 d’un groupe avec et un groupe sans dépistage du cancer prostatique: elle ne retrouve aucune différence de mortalité dans les deux groupes, plaidant donc en faveur d’un non-dépistage du cancer de la prostate.

Simultanément, l’étude ERSPC (European Randomized Study of Screening for Prostate Cancer), européenne, portant sur 162243 hommes, fait la même comparaison: au contraire de l’étude américaine, elle retrouve une baisse de la mortalité par cancer de prostate de 21% dans le groupe avec dépistage. De surcroît, le dépistage permet une diminution 41% du risque de cancer métastatique.

Curieusement, en 2010, la Haute Autorité de Santé choisit de suivre l’étude américaine plutôt qu’européenne, portant sur plus de deux fois moins de patients, et dont très tôt les conditions de constitution des groupes sont remises en cause (patients déjà dépistés, voire encore dépistés, alors qu’ils sont dans le groupe témoin sans dépistage): la HAS recommande donc de ne pas pratiquer un dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA.

L’Association Française d’Urologie reste, elle, favorable à ce dépistage, encadré par une consultation urologique, un examen clinique notamment de la prostate, et une information claire donnée au patient.

La fin de la polémique:

Le 9 septembre 2017, une réanalyse statistique des résultats de ces deux études est publiée dans  les Annals of Internal Medecine: cette réanalyse confirme le biais majeur de l’étude américaine, soulignant que près de 50% des patients du groupe contrôle (sans dépistage) de l’étude PLCO avaient en fait déjà eu un dosage de PSA avant d’entrer dans l’étude (ils n’auraient donc pas dû être inclus dans le groupe sans dépistage), et que parmi ceux qui restaient, près de 90% des patients de ce même groupe témoin ont eu au moins un dosage de PSA pendant l’étude (ce qui aurait donc dû les faire sortir du groupe sans dosage de PSA): l’étude américaine a finalement comparé deux groupes presque identiques, avec un résultat logiquement identique.

Finalement, en analysant le comportement réel des participants des deux études, celles-ci arrivent à la même conclusion, à savoir une diminution de la mortalité dans le groupe avec dépistage (27 à 32% dans l’étude PLCO, 25 à 31% dans l’étude ERSPC) par rapport au groupe sans dépistage.

En conclusion:

Le PSA reste un élément important du dépistage précoce du cancer de la prostate, avec l’examen clinique, et si besoin d’autres examens, comme une IRM de la prostate.

Le dépistage précoce permet une prise en charge précoce, soit par simple surveillance, soit par traitement lorsqu’il est nécessaire.

Le traitement sera d’autant plus efficace que la maladie est peu évoluée, donc diagnostiquée le plus tôt possible: la science et les études statistiques ont rejoint la logique, pour le plus grand bien des patients.

Nous attendons donc la nouvelle position de la HAS au vu de ces données mises à jour.